Introduction

Il existe d’après la recherche plus de 150 divinités qui font l’objet d’un culte ou d’une fonction à Sparte et sa région. J’en dénombre, depuis la fondation de Sparte, 165 exactement. Certaines sont propres à Sparte tandis que d’autres sont panhelléniques.

Plutôt que de classer la totalité des divinités selon leur domaine particulier, je propose une lecture se limitant aux divinités les plus transcendantes de par leur fonction, sans nier l’importance des divinités au domaine plus particulier.

L’objectif est de structurer une vue divine et cosmique de Sparte éternelle plutôt que de classer des cultes selon leur importance sociale, ce qui pourrait donner un résultat différent bien que proche.

Si le contenu se veut fidèle à l’esprit spartiate d’origine, les domaines que j’énonce sont une relecture moderne à proprement parler.

Les divinités mises en avant sont marquées par le signe bleu 🔹, tandis que d’autres divinités ou épiclèses plus spécifiques sont citées à titre d’exemple du domaine concerné, ou pour leur lien avec la divinité explicitée.

Les grands domaines divins de la religion spartiate

On ne saurait hiérarchiser ces domaines différents à proprement parler. Il faut souligner la transcendance de Zeus Lakedaimonios et l’importance des cultes d’Apollon Amyklaios, Athéna Chalkioikos ou encore Artémis Orthia. En dehors de cela, la numérotation des domaines n’implique pas leur hiérarchie.

Ce n’est pas l’esprit de la religion spartiate de hiérarchiser les Dieux et ce n’et pas l’objet de cette publication. Une divinité au domaine spécifique n’est pas moins « importante » qu’une divinité aux fonctions plus larges ou objet de davantage de culte, car le culte dépend aussi du contexte de vie.

La meilleure façon de procéder m’apparait de distinguer les domaines des Dieux et Héros propres à la religion spartiate.

• Domaine 1 : Souveraineté cosmique et royale
• Domaine 2 : Souveraineté des mers et des frontières
• Domaine 3 : Souveraineté du monde des morts
• Domaine 4 : Identité, cohésion et lignée
• Domaine 5 : Stratégie
• Domaine 6 : Force/fureur
• Domaine 7 : Formation
• Domaine 8 : Naissance et transmission de la lignée
• Domaine 9 : Nature
• Domain 10 : Justice
• Domaine 11 : Modèles
• Domaine 12 : [à découvrir dans la partie 2]

Domaine 1 : Souveraineté cosmique et royale

🔷 Zeus Lakedaïmonios (Ζεὺς Λακεδαιμόνιος) – Souverain suprême du cosmos et garant du pouvoir royal

Zeus détient la souveraineté absolue, régule les lois divines et humaines, et légitime la royauté spartiate.

Deux épiclèses de Zeus divisent le pouvoir souverain de Zeus Lakedaimonios à un niveau sous-jacent :

🔹 Zeus Basileus (Ζεὺς Βασιλεύς) – Pouvoir terrestre et autorité des rois spartiates, lié aux Agiades.
🔹 Zeus Ouranios (Ζεὺς Οὐράνιος) – Pouvoir céleste et équilibre cosmique, lié aux Eurypontide.

Les Spartiates avaient deux rois régnant simultanément, appartenant à deux dynasties distinctes, les Agiades et les Eurypontides. Cette structure politique connue sous le nom de diarchie avait une forte dimension religieuse.

Les rois étaient les représentants du peuple auprès des dieux et dirigeaient certains cultes majeurs.

Le roi Agiade était considéré comme le représentant de Zeus Ouranios. Il consultait l’Oracle de Delphes, qui était une référence pour les décisions politiques majeures. Il dirigeait les sacrifices royaux, notamment ceux faits à Apollon Amyklaios.

Le roi Eurypontide assurait la gestion quotidienne et l’application des lois sous la tutelle de Zeus Basileus. Il garantissait le respect des lois de Lycurgue et supervisait les décisions du Gérusia. Il participait aux sacrifices publics à Athéna Chalkioikos, protectrice de l’ordre civique.

Par ailleurs, on dénombre au moins 14 épiclèses de Zeus dans la religion spartiate, couvrant des domaines différents. D’autres divinités pouvaient intervenir dans des facettes particulières de la souveraineté.

Domaine 2 : Souveraineté des mers et des frontières

🔹 Poséidon Tainarios (Ποσειδῶν Ταίναριος) – Maître des frontières terrestres et maritimes

Comme le précise Pausanias (Livre 3 sur la Laconie, 25.4), le Cap Tainaron est considéré comme un passage entre le monde des vivants et celui des morts. Poséidon Tainarios a une haute importance comme gardien des mers et des frontières, que ces dernières soient cosmiques ou sensibles, terrestres ou maritimes.

• Apollon Delphinios (Ἀπόλλων Δελφίνιος) – Protecteur des expéditions et des marins.

Domaine 3 : Souveraineté du monde des morts

🔹 Hadès (ᾍδης) – Dieu du royaume des morts

Hadès règne sur les âmes et maintient l’ordre du monde souterrain. Il est généralement peu représenté dans la religion spartiate et même dans la religion grecque publique en général, son culte étant souvent indirect ou lié à d’autres divinités chthoniennes comme Déméter, Perséphone ou Hécate.

🔹 Déméter Chthonia (Δημήτηρ Χθονία) – Déesse des rites funéraires et des sacrifices chthoniens

Pausanias (14, 1-2) mentionne un sanctuaire de Déméter Chthonia à Sparte, situé non loin du célèbre sanctuaire d’Artémis Orthia.

Domaine 4 : Identité, cohésion et lignée

🔹 Apollon Amyklaios (Ἀπόλλων Ἀμυκλαῖος) – Héritier du pouvoir divin, garant du destin et de la guidance spartiate.

Soleil de Sparte, protecteur des rites majeurs et de l’identité spartiate. Divinité majeure de Sparte, symbolisant la cohésion sociale, la tradition, et la connexion avec l’héritage dorien. Apollon Amyklaios est vénéré comme protecteur de la cité et garant de son unité sociale et religieuse. Il est un dieu fondamental à Sparte, garantissant l’unité et la continuité des traditions.

Apollon et les grands rituels identitaires spartiates :

• Apollon Karneios (Ἀπόλλων Κάρνειος) – Culte des Karneia et structuration sociale.
• Apollon Hyakinthios (Ἀπόλλων Ὑάκινθος) – Cycle du renouveau (Hyakinthia).

Apollon et la guidance divine et prophétique :

• Apollon Pythios (Ἀπόλλων Πύθιος) – Lien avec Delphes et la divination.
• Apollon Lykaios (Ἀπόλλων Λύκαιος) – Protecteur des initiations.

Apollon et la protection de la cité et du peuple :

• Apollon Maleatas (Ἀπόλλων Μαλεάτας) – Apollon guérisseur.

🔹 Dionysos (Διόνυσος) – Désordre et équilibre cosmique

Régulateur du désordre dont l’intervention est nécessaire à l’équilibre cosmique. Dionysos est présent dans les célébrations des Hyakinthies et des Karneia. Il existait un temple de Dionysos à Sparte qui servait principalement aux célébrations rituelles impliquant des danses et des processions.

🔹 Aphrodite Areia (Ἀφροδίτη Ἀρεία) – Déesse fusionnant amour et guerre, garantissant la cohésion des guerriers.

Aphrodite dans un rôle directement martial.

Domaine 5 : Stratégie & défense de la cité

🔹 Athéna Chalkioikos (Ἀθηνᾶ Χαλκίοικος) – Déesse de la stratégie militaire et pilier de l’ordre politique.

Déesse protectrice de Sparte, associée à la stratégie militaire, à l’ordre civique et à la suprématie de la cité. « Chalkioikos » signifie « à la maison de bronze », faisant référence au sanctuaire de la déesse dont les murs étaient recouverts de plaques de bronze. Cette épithète souligne son aspect martial et sa protection sur la cité en tant que déesse de la guerre défensive et de l’ordre social.

En lien avec Athéna Chalkioikos :

• Athéna Poliouchos (Ἀθηνᾶ Πολιοῦχος) – Protectrice de la cité.
• Athéna Soteira (Ἀθηνᾶ Σωτείρα) – Défense de Sparte.
• Deimachos (Δείμαχος) – Héros divinisé invoqué pour protéger les cités en temps de guerre, parfois assimilé à Arès.

Domaine 6 : Force/fureur

🔹Enyalos (Ἐνυάλος) – Fureur guerrière canalisée en force militaire disciplinée.

Divinité de la guerre brutale dans le monde dorien. Enyalios est souvent assimilé à Arès, mais à Sparte, il était perçu comme une entité distincte avec une fonction plus spécifique. 

Tandis qu’Arès représentait la guerre sous son aspect général, Enyalios incarnait une forme plus ritualisée et disciplinée de la violence guerrière. 

Divinités associées à Enyalos :

• Arès Theritas (Ἄρης Θηρίτας) – Dieu brutal et guerrier.
• Nike (Νίκη) – Déesse de la victoire.
• Phobos (Φόβος) – Peur divine.
• Arès Aphneios (Ἄρης Ἀφνειός) – Arès sous son aspect de prospérité après la guerre.

Domaine 7 : Formation

🔹 Artémis Orthia (Ἄρτεμις Ὀρθία) – Architecte de l’éducation spartiate et Déesse des rites initiatiques guerriers.

Artémis Orthia est une Déesse essentielle de l’éducation spartiate, garantissant la transition des jeunes garçons vers l’âge adulte à travers des épreuves initiatiques. Artémis contrôle l’agogè et impose les épreuves de formation des jeunes Spartiates. « Orthia » signifie « la droite » ou « l’élevée », faisant référence à son rôle de guide spirituelle et éducatrice. Elle est à la fois une divinité protectrice et une figure imposant des épreuves physiques et mentales.

Autres épiclèses liés :

• Artémis Hegemone (Ἄρτεμις Ἡγεμώνη) – Artémis « la Conductrice », divinité protectrice des jeunes recrues et guide spirituel durant leur formation militaire (l’agogè).
• Artémis Korythalia (Ἄρτεμις Κορυθαλία) Protectrice des enfants, vénérée pour leur éducation et leur croissance.
• Artémis Agrotera (Ἄρτεμις Ἀγροτέρα) – Déesse des animaux sauvages et de la chasse,figure essentielle du mode de vie spartiate, complémentaire d’Artémis Orthia.

Domaine 8 : Naissance et transmission de la lignée

🔹 Léto – Mère d’Apollon et d’Artémis, associée aux cultes de la maternité et de la fertilité, notamment au sanctuaire d’Amyklès.

Elle est vénérée pour la protection des accouchements, la fertilité des femmes et la croissance des enfants. Son rôle assurait la continuité de la lignée spartiate et la protection des jeunes générations.

Pausanias (Laoconie (III), 19, 9-10) mentionne le culte de Léto en Laconie, notamment à Amyklès.
Les jeunes filles spartiates la prient pour la protection maternelle et la prospérité de la lignée.

Domaine 9 : Nature

🔹 Déméter (Δήμητερ) – Déesse des moissons.

Déméter est avant tout la déesse de l’agriculture et des moissons. Elle est associée à la terre nourricière et aux rythmes agricoles, bien qu’elle soit aussi liée au monde souterrain à travers Perséphone. Son culte à Sparte inclut des aspects agricoles et nourriciers en plus de ses rites chthoniens.

🔹 Poséidon Hippios (Ποσειδῶν Ἱππιος) – Dieu des chevaux et des terres fertiles.

Poséidon Hippios était honoré comme protecteur des chevaux et des terres fertiles, en lien avec l’importance de l’élevage équin dans l’aristocratie dorienne. Son culte était présent en Arcadie et en Laconie à l’époque antique, où il représentait la puissance tellurique et la maîtrise de l’environnement.

Domaine 10 : Justice

🔹 Thémis (Θέμις) – Déesse de la justice divine, honorée comme garante des lois de Lycurgue et de l’ordre cosmique.

Incarnation de l’ordre universel et des lois immuables.

🔹 Némésis (Νέμεσις) – Déesse de la justice et de la rétribution divine, veillant à la juste répartition des destins.

Assure la rétribution divine, l’équilibre des destins et du cosmos.

Domaine 11 : Modèles

🔹 Les Dioscures (Διόσκουροι – Castor et Pollux) – Fraternité et unité militaire chez les Doriens

Castor et Pollux étaient considérés comme les modèles parfaits des jeunes hoplites, incarnant la bravoure et la camaraderie sur le champ de bataille. Leur temple principal se situait sur l’Agora de Sparte, où se déroulaient des fêtes en leur honneur. Des statues jumelles en bronze y étaient vénérées. Les Tyndaria étaint la fête en leur honneur.

🔹 Héraclès (Ἡρακλῆς) – Modèle de force et bravoure à Sparte.

Xénophon, dans la Constitution des Lacédémoniens (15,3), décrit Héraclès comme un modèle idéal pour les Spartiates en raison de sa force, de son endurance et de son esprit combatif. Il insiste sur l’importance de son exemple pour la formation militaire et la discipline spartiate. Pausanias mentionne un sanctuaire dédié à Héraclès à Sparte, ce qui témoigne de son culte officiel dans la cité.

🔹 Menelaus Theos (Μενέλαος Θεός) – Roi divinisé.

🔹 Hélène de Sparte (Ἑλένη Σπαρτιάτις) – symbole divinisé de la royauté spartiate, honoré dans le sanctuaire de Thérapnaï, incarnant la beauté et l’honneur de Sparte.

Selon Pausanias (III, 19, 9-10), un sanctuaire dédié à Ménélas et Hélène existait à Thérapnaï. Pausanias précise que les habitants de Sparte offraient des sacrifices en son honneur.