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Nous avions étudié1 que les Vers d’Or constituent une œuvre majeure du pythagorisme. Bien que peu connu, Hiéroklès d’Alexandrie est un auteur platonicien clé pour faire le lien entre le Pythagorisme et le Néoplatonisme en passant par un stoïcisme remis à l’endroit.

Biographie

Hiéroklès est né à Alexandrie, en Égypte, à la fin du IVe ou au début du Ve siècle. Il est issu de l’école néoplatonicienne d’Athènes, qui était alors un haut lieu d’enseignement philosophique helléniste. Il aurait été formé directement par Plutarque d’Athènes (à ne pas confondre avec le célèbre Plutarque du Moyen-platonisme), un commentateur renommé de Platon et un maillon central de la tradition néoplatonicienne.

Hiéroklès est surtout connu pour son commentaire des Vers d’Or de Pythagore et pour son Traité sur la providence. Les deux œuvres font l’objet d’une édition commune en français aux éditions Les Belles Lettres2. En effet elles sont complémentaires.

Une partie des chercheurs considèrent que Hiéroklès d’Alexandrie pourrait être chrétien ou fortement influencé par les thèses chrétiennes. La hiérarchie divine de Hiéroklès Trouverait à son sommet un Dieu démiurge Proche de la conception chrétienne d’un Dieu unique. Il n’en demeure pas moins que son œuvre est explicitement polythéiste et que Hiéroklès d’Alexandrie se garde de déclarer explicitement que le Dieu démurge est au sommet de sa hiérarchie divine, Celle-ci comprenant les Dieux dont Zeus, les 12 classes d’Anges (angelos) et les Daïmons.

Ce débat académique ne devrait pas nous faire passer à côté d’une œuvre dont il faut connaître les idées clés, enrichissant l’Hellénisme ou structurant ce dernier.

La philosophie comme lien avec le Divin

Hiéroklès énonce un résumé de son approche au début de son Commentaires des Vers d’Or :

« La philosophie est la purification de la vie humaine et son achèvement ; sa purification, d’une part, de la déraison de la matière et du corps mortel ; son achèvement, d’autre part, c’est à dire le recouvrement de la vie heureuse qui nous est propre et nous élève vers la ressemblance divine. Ces résultats, la Vertu et la Vérité sont, par nature, les plus aptes à les accomplir (…) ».

C’est donc par l’éthique d’une part et la piété d’autre part que se forme la Voie à suivre. Ce passage est pleinement néoplatonicien. Il explicite une dichotomie conduisant à la purification et la connaissance.

« La piété est maîtresse de toutes les vertus » écrit Hiéroklès, établissant une vertu suprême aux 4 piliers de la vertu que sont l’Andreia (courage et plus encore), la Dikaiosyné (justice et plus encore), la Sophrosyné (tempérance/maitrise de soi et plus encore) et la Phronysé/Sophia (sagesse et connaissance).

« Connaître et honorer les Dieux selon le rang qui leur fut attribué par leur créateur et père est le propre de ceux qui se conforment à la loi divine et qui leur rend réellement honneur », écrit Hiéroklès.

Genos, ancêtres et héros

Après avoir développé la question des classes d’êtres supérieurs, Hiéroklès, en cohérence avec le texte des Vers d’Or, aborde de la question de l’honneur aux héros ainsi qu’aux Daïmons et aux ancêtres.

« Et puisqu’il faut faire le plus grand cas des rapports biologiques », L’auteur établit un parallèle – une parenté éternelle » entre la hiérarchie divine nous plaçant en dessous des classes divines supérieures, et nos mortels qui ont engendrés : « Les êtres célestes occupant le rang de père , les héros celui de parents dignes d’honneur. Nos pères et mères l’assurent pour ce qui est de la vie mortelle. »

Hiéroklès précise que c’est de l’impiété de ne pas honorer ses parents, reliant cette obligation à la Vertu.

Dans un autre ouvrage, à la fin de son Traité sur la providence, Hiéroklès d’Alexandrie écrit que « nous obtenons chacun par le sort, selon le mérite des vies que nous avons menées, une vie dans laquelle tout a été pris en compte : race (traduction française de ethnos ou génos), cité, père, mère, moments de l’enfantement, qualité du corps, manière de vivre et vicissitudes diverses du sort en rapport avec notre vie, genre de mort et moment qui lui est assignée ».

Cosmopolis

Un apport important de Hiéroklès d’Alexandrie se trouve à la page 114 de son commentaire des Vers d’Or, Celui qui traite d’un verre d’inspiration stoïcienne.

Le vers déclare : « Parmi les autres hommes, fais ton ami de celui qui excelle en vertu ».

Ce passage fait écho à l’idée de la cosmopolis (cité universelle) de Zénon de Kittion, le fondateur du stoïcisme. La Cosmopolis originelle n’a jamais été une idéologique politique. C’est un cadre philosophique permettant le dialogue avec des étrangers sur la base du Logos.

La Cosmopolis est une cité stoïcienne fictive où ne se trouvent ni temples dédiés aux Dieux, ni monnaie ni armée, ni loi. Énoncer les attributs de la Cosmopolis suffit déjà à prouver que cette cité n’a pas vocation à exister réellement quelque part dans le monde sensible.

Le cosmopolitisme est un dévoiement extrémiste du stoïcisme et notamment de l’idée de la Cosmopolis. Cet extrémisme n’a jamais été cautionné par la pensée stoïcienne, que ce soit à l’époque de Zénon de Kiton ou même des années après sous l’Empire Romain.

Les émotions ne sont pas mises en avant comme le christianisme. Au contraire elles s’effacent devant la maîtrise de soi et la raison.Les stoïciens prône le contrôle face aux agressions mais pas le sacrifice de soi par soi disant amour des autres.

La véritable Cosmopolis, non le cosmopolitisme, est un cadre utile à l’Hellénisme concernant les rapports humains au delà du monde grec. Il fait écho à Platon visitant l’Egypte (bien que la réalité du voyage puisse faire débat) ou dialoguant avec des disciples de Zarathoustra.

La Cosmopolis n’est pas une remise en cause de l’ethnos, du génos et des règles de Zeus Xenios. Ce n’est ni une homogénéisation forcée des cultures ni une injonction au métissage. La cosmopolis est le cadre éthique régissant les rapports au delà de ses groupes d’appartenances.

La Cosmopolis fait que nous devons nous montrer bienveillants avec toute créature douée de raisons. La bienveillance n’est pas l’amour chrétien de l’humanité. Il ne faut pas non plus confondre la cosmopolis originelle avec le cosmopolitisme, qui légitime des formes de colonisation et qui est une remise en cause affichée de l’ethnos et du génos lorsqu’il s’impose complètement.

« Il faut nous attacher à l’amitié , entendons par là la bienveillance envers tous ceux qui partagent la même espèce humaine que nous (…) seul l’homme de bien est son ami. »

Le cosmopolitisme moderne ne doit pas nous faire comprendre de travers Les précisions importantes de Hiéroklès d’Alexandrie. L’auteur explicite une vertu sociale après avoir hiérarchisé l’importance des classes divines supérieurs et des mortels qui nous sont proches. Les étrangers qui brillent par la vertu méritent notre bienveillance et peuvent être des personnes avec qui nous interagissons.

De nos jours, les effets du cosmopolitisme font émerger des réactions et des mentalités radicalement contre toute forme d’échange avec l’étranger. Or dans un monde qui ne s’autodétruit pas, chaque degré des réalités divines et humaines trouve sa place.

La Vertu

« On trouve comme commencement des vertus la Sagesse (Phronysé/Sophia), comme fin la Justice (Dikaiosyné) et dans l’intervalle le courage (Andreia) et la tempérance (Sophrosyné) », écrit Hiéroklès d’Alexandrie.

Etablissant la distinction stoïcienne entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, Hiéroklès d’Alexandrie place la Vertu comme boussole de l’existence.

L’éthique n’a d’importance que si l’on a conscience de l’immortalité de notre âme. Un homme qui croit qu’il va disparaître de toute façon n’a pas besoin d’éthique. Or, dans la pensée de Hiéroklès d’Alexandrie (pas seulement lui), l’éternité de l’âme dépend de la pratique de la Vertu.

Hiéroklès d’Alexandrie met en garde contre le comportement irrationnel. À la page 158 de l’édition des Belles lettres, L’auteur prend l’exemple de Médée qui s’est livrée à un étranger, « elle qui inconsidérément a trahi ses parents les plus proches à cause d’un amour immodéré (…) elle pense effacer son manque de délibération initiale par une conclusion pire, en niant par le meurtre irréfléchi de ses enfants leur procréation inconsidérée ».

Le soin du corps et l’alimentation sont évoqués, mettant en avant la nécessité de faire de l’exercice et la pratique de la modération concernant la nourriture.

« Celui, en effet, qui prend soin seulement de son âme, mais néglige son corps, ne purifie pas l’homme tout entier. Réciproquement, celui qui pense qu’il faut s’occuper du corps à l’exclusion de l’âme, ou que les soins apportés au corps contribueront en quoi que ce soit à l’âme qui ne s’est aucunement purifiée par elle même, celui là commet la même erreur. Mais celui qui progresse comme il convient par chacune de ces deux voies parvient à la perfection. »

L’Âme

Toute l’œuvre de Hiéroklès d’Alexandrie consiste en une purification de l’âme. C’est la finalité de la vertu largement évoquée dans la première partie de l’ouvrage. Dans la lignée de Plotinos, Hiéroklès d’Alexandrie considère l’âme comme étant l’intermédiaire entre le monde sensible et le monde intelligible. L’action de la vertu à l’âme comme sujet, dont la finalité est l’immortalité.

Les Vers d’or de Pythagore donnent l’opportunité à Hiéroklès d’Alexandrie de développer le pourquoi et le comment de la purification de l’âme, par exemple avec la mise en valeur de l’abstinence.

Puisque selon Hiéroclès nous avons un libre arbitre qui s’exerce et le choix d’exercer ou pas la Vertu et de nous tourner vers le divin, les Vers d’or et la pensée de Hiéroklès s’affirment comme des guides.

Conclusion

En écho aux premières lignes du Commentaire sur les vers d’or de Pythagore, Hiéroklès d’Alexandrie distingue au milieu de l’ouvrage la vertu civique «pour les choses d’en bas» et la vertu contemplative «pour les choses d’en haut». Cette dichotomie est partout présente et saurait résumer l’œuvre.

Références

  1. https://plethon.fr/2025/04/27/le-pythagorisme-une-racine-pre-socratique-du-platonisme ↩︎
  2. https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251447988/commentaire-sur-les-vers-d-or-des-pythagoriciens-suivi-de-traite-sur-la-providence ↩︎
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